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31 mai 18

Projet de loi ELAN et encadrement des loyers : une habileté coupable

Ce qui se passe à propos de l’encadrement des loyers d’habitation est singulier : alors que deux décisions de justice ont condamné les dispositifs qui avaient été mis en place à Paris et à Lille en application de la loi ALUR, l’actuel gouvernement aurait dû profiter du vecteur législatif du projet de loi ELAN pour renoncer purement et simplement à ce dispositif dissuasif pour les investisseurs et inutile pour les locataires. Au lieu de cela, le projet de loi ménage la chèvre et le chou et maintient un encadrement expérimental dépendant de la volonté des élus locaux.
Les observateurs ont salué l’habileté du gouvernement et l’appréciation n’est pas infondée: les locataires de grandes villes, la capitale en tête, ont fini par penser que la mesure était souhaitable et ferait baisser les loyers. On voit bien quatre ans plus tard qu’il n’en est rien et que l’offre locative s’est restreinte dans les villes contraintes par la règlementation...et dans les autres: l’encadrement ajoute à un effet réel dégradant la rentabilité locative un effet psychologique déplorable, l’investisseur ayant le sentiment que sa liberté est obérée.

En attendant, Emmanuel Macron ne change pas radicalement de cap. Ainsi, le projet de loi propose un aménagement de la loi ALUR. Il s’agit d’abord de laisser la main aux maires, qui peuvent demander à l’État que les loyers de leur ville soient limités. On ne sait à ce jour, hors Anne Hidalgo et Martine Aubry, si d’autres maires feront ce choix. Il est certain en tout cas qu’ils prendront l’avis des acteurs locaux et que leur décision, prise au plus près du terrain, sera plus éclairée que si l’État la prenait de façon rustique et idéologique. Par ailleurs, là où ils seraient mis en place, les dispositifs seraient provisoires et devraient faire la preuve de leur efficacité pour être pérennisés. Enfin, le gouvernement, a répondu à l’objection des tribunaux administratifs qui ont invalidé l’encadrement tel qu’il est né : alors que la loi ALUR disposait que toute une agglomération devait être visée par la contrainte, Paris et Lille ont limité le territoire de l’encadrement à leur commune. Désormais, si l’ELAN est voté en l’état, il sera possible de borner territorialement l’encadrement à une ville sans l’élargir à la totalité de l’agglomération. Pour être complet, il faut noter que l’ELAN dénoue la relation juridique que l’ALUR avait créée entre observatoires et encadrement : à l’avenir, les agglomérations devront se bâtir un observatoire sans que cela ait pour conséquence l’encadrement autoritaire et mécanique de leurs loyers.

Seulement voilà : pour habile que soit ce remodelage, il ne corrige pas les défauts fondamentaux de l’encadrement. D’abord, contrairement à ce qui se passe pour les prix de vente des biens, les loyers sont étroitement corrélés à la solvabilité des ménages, même dans les plus grandes villes. Certes, les candidats locataires seront prêts à un taux d’effort majoré, mais dans des limites tangibles. En somme, l’encadrement est inutile et la souplesse qui y est instillée ne change rien au problème. L’encadrement demeure une contrainte, une privation de liberté, a fortiori quand le marché est là pour réguler les excès.

Pis encore: le gouvernement propose d’instaurer des amendes administratives pour les propriétaires qui ne respecteront pas les plafonds d’encadrement là où ils s’imposeront, à hauteur de 25% du trop perçu pour une personne physique et de 75% pour les personnes morales. C’est à croire que l’État veut un climat de défiance entre les propriétaires investisseurs, au mépris des conséquences.

Car justement l’exécutif ignore les conséquences de ses options stratégiques en matière locative. La lecture de l’étude d’impact assortie au projet de loi ELAN est à cet égard limpide: aucun élément n’y est fourni quant aux effets de l’encadrement à Paris et à Lille. Rien sur l’attrition du parc locatif, que tous les professionnels de la gestion constatent. Rien sur l’écœurement des propriétaires et les décisions de désinvestissement. Les rédacteurs se sont contentés de formules creuses et tautologiques, nous disant qu’il n’existait pas de mesure des effets... C’est ce qu’on attendrait d’une étude d’impact, histoire que le législateur ne s’égare pas. À défaut, les organisations professionnelles feront tout pour alerter députés et sénateurs sur les risques attachés à ce nouvel encadrement des loyers.