Contact médias : Carol Galivel - 01 41 05 02 02 - 06 09 05 48 63 – galivel@galivel.com

4 jan. 23

Le sport, phénomène de société, phénomène immobilier

Dans le premier volet d’une série d’études consacrées au sport et au marché immobilier des commerces, Knight Frank dresse l’état des lieux du marché et analyse les stratégies de distribution des principales marques et enseignes du secteur.

 

Le sport, secteur clé pour le marché immobilier des commerces

Le sport occupe une place centrale dans notre société. C’est encore plus vrai depuis le déclenchement de la crise sanitaire qui, en plaçant le bien-être au centre des préoccupations et en consacrant l’avènement du télétravail, a libéré du temps pour la pratique sportive et généralisé le port de tenues plus confortables. Le sport est aussi un secteur majeur de l’économie mondiale, dont le succès a fait s’envoler les revenus des grandes marques. Entre 2019 et 2021, Nike a par exemple vu son chiffre d’affaires progresser de près de 20 %, tandis que Lululemon ambitionne de doubler le sien d’ici 2025. « Le sport est également un secteur clé pour le marché immobilier des commerces. Si les grandes marques et les principales enseignes sont de plus en plus présentes sur le web, les magasins ne sont pas pour autant délaissés » affirme Antoine Salmon, directeur du département Commerces Locatif chez Knight Frank France.  

L’expansion des enseignes de sport, secteur mondialisé par excellence, est particulièrement visible au cœur des plus grandes métropoles. Depuis quelques mois, les artères les plus fréquentées de la planète, de la 5e avenue à New York à Regent Street à Londres en passant par le Passeig de Gracia à Barcelone, Orchard Road à Singapour et bien sûr l’avenue des Champs-Elysées à Paris, voient ainsi se succéder les ouvertures de flagships.

« Par sa vigueur et l’importance des surfaces prises à bail sur les grands axes parisiens, le sport rappelle la fast-fashion des années 1990 et 2000. A Paris, plusieurs enseignes de sport ont d’ailleurs ouvert en lieu et place d’anciens flagships d’enseignes de mode » indique Antoine Salmon. Sur l’avenue des Champs-Elysées, le PSG a ainsi repris le magasin MORGAN du n°92, FOOT LOCKER s’installant en lieu et place de GAP au n°36 et LULULEMON sur l’ancien ZARA HOME du n°38. Le même phénomène a été observé sur d’autres grandes artères, JD SPORTS ouvrant en 2019 son premier flagship parisien en lieu et place de H&M au 118 rue de Rivoli, ADIDAS s’installant la même année sur l’ancien ZARA du 39-41 boulevard Haussmann ou FOOT LOCKER reprenant plus récemment l’ex-JULES du 133 rue de Rennes. « L’élan des dernières années s’est indéniablement accéléré, Paris profitant d’un contexte porteur lié à la croissance continue des dépenses de sport ainsi qu’au retour en force des touristes étrangers depuis le milieu de l’année 2021. La tenue prochaine des Jeux Olympiques d’été de 2024 participe également de l’élan actuel, même si les flagships récemment inaugurés par de grandes enseignes de sport auraient ouvert si Paris n’avait pas été choisie pour organiser l’évènement » tempère Antoine Salmon.   

Le dynamisme du sport et l’importance du marché parisien sont également illustrés par l’arrivée de nouveaux acteurs. En 2022, l’année aura notamment été marquée par les ouvertures en France du premier magasin de la NBA, au 20 boulevard Saint-Michel à Paris et de plusieurs boutiques LIDS dans des centres commerciaux d’Ile-de-France (« Aéroville », « Belle Epine », « Forum des Halles »). « Ces ouvertures témoignent des ambitions et de l’influence grandissante des sports US en Europe, également illustrées par l’expansion récente de ces deux enseignes à Londres et dans plusieurs villes britanniques. Plus généralement, elles sont une nouvelle preuve des opportunités liées à la mondialisation du sport, dont tire par exemple profit la société américaine FANATICS, poids lourd du sport business qui, en France, s’est notamment associé au PSG » explique Antoine Salmon. De nouveaux acteurs du sport émergeront prochainement sur le marché français, nombre de marques étant absentes de l’Hexagone ou n’y comptant pas encore de boutiques en propre.

Priorité à la distribution en propre 

« Si le sport contribue au dynamisme du marché immobilier des commerces, c’est bien sûr parce que le secteur est en forte croissance, mais aussi parce que de nombreuses marques souhaitent capitaliser sur cet essor en conservant ou en reprenant directement la main sur la distribution de leurs produits. L’ouverture de boutiques en propre permet aussi aux grandes marques de sport de resserrer les liens avec leurs clients et de mieux maîtriser leur image ; une démarche qui va s’accélérer et qui assez est proche de celle adoptée il y a plusieurs années par les groupes de luxe, qui avaient multiplié les boutiques de marques dans le cœur des grandes métropoles mondiales » note Vianney d’Ersu, directeur adjoint du département Commerces Locatif chez Knight Frank France.

Alors que la distribution en propre représentait 15 % de ses revenus en 2010 et 39 % en 2021, NIKE compte par exemple porter cette part à 60 % d’ici 2025. Cette stratégie, qui est également celle d’ADIDAS, de PUMA, d’UNDER ARMOUR ou du géant chinois ANTA, passe par un resserrement des partenariats avec les grands distributeurs (FOOT LOCKER, JD SPORTS, etc.) et un soin tout particulier apporté aux boutiques en propre. « L’objectif n’est pas nécessairement d’accroître le nombre de magasins, mais plutôt d’optimiser les réseaux de points de vente au profit des locaux les mieux placés, les plus grands et les plus spectaculaires » explique Vianney d’Ersu. C’est le cas d’Adidas, dont le nombre total de magasins a même diminué de plus de 20 % en cinq ans et dont la priorité est donnée à un certain nombre de villes clés dans le monde, dont Paris. Nike, qui réduit aussi son réseau de boutiques au profit de grands mégastores, comme ses « Houses of innovation » de Paris ou New York, ouvre toutefois en parallèle de plus petites surfaces (« Nike Live ») ciblant des consommateurs locaux.  

Les flagships, destinations à part entière

Dans un environnement de marché de plus en plus concurrentiel, le magasin est en effet un levier essentiel de fidélisation et de différenciation, qui permet de mettre en valeur la marque et son histoire, d’adapter les collections à des goûts et des profils de consommateurs variés, et de proposer une offre allant bien au-delà de la seule vente d’articles de sport. « Les nouveaux flagships sont devenus des destinations à part entière. Le client n’y vient plus uniquement pour acheter des équipements ou des vêtements, mais pour s’y restaurer, faire réparer des chaussures usagées, louer du matériel pour le tester avant de l’acheter, rencontrer des ambassadeurs de la marque, profiter de collections exclusives issues de collaborations, bénéficier de conseils en matière de pratique sportive ou de diététique, jouer entre amis ou en famille, y admirer des œuvres d’art contemporaines et… partager les meilleurs moments de sa visite sur les réseaux sociaux » note Antoine Salmon. Le sport est en effet l’un des domaines les plus digitalisés du commerce et sans doute celui dont l’univers est le plus facilement exploitable par des technologies interactives et participatives. « Les nouveaux flagships du sport offrent en cela la quintessence des nouvelles expériences d’achat, accordant une place essentielle au storytelling et aux interactions entre la marque et une clientèle assez jeune et plus connectée que la moyenne » poursuit Antoine Salmon.

Les grandes marques de sportswear ne sont pas les seules à développer de nouveaux concepts phygitaux et plus axés sur les loisirs. Ainsi, les formats associant pratique sportive, vente d’articles de sport et restauration se multiplient dans certains pays comme aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, où la vacance commerciale atteint parfois des niveaux élevés. Ces nouveaux lieux de sociabilité sont mis à profit pour redynamiser un centre existant et parfois combler le vide laissé par le départ de grandes enseignes. En France, ce genre de concepts est pour l’instant moins répandu, mais le sport et les loisirs (trampolines, murs d’escalade, escape game, bowling, pistes de karting, etc.) sont incontestablement plus présents au sein des nouveaux projets : ils représentent ainsi 14 % du nombre d’enseignes ayant ouvert au sein d’ensembles commerciaux livrés ces trois dernières années et même 18 % des projets inaugurés en 2022.

Multiplication des formats

L’analyse du tenant mix des nouveaux ensembles commerciaux permet également de mesurer quelles enseignes sont les plus dynamiques. Dans le domaine du fitness, BASIC-FIT continue de se démarquer : arrivée en France en 2014, l’enseigne néerlandaise y compte désormais plus de 630 salles. Dans le domaine du sportswear et de la vente d’équipements, INTERSPORT connaît le développement le plus soutenu. Très majoritairement présent en périphérie, le groupe y accroît depuis plusieurs années son influence en ouvrant de plus grandes surfaces, souvent supérieures à 2 000 m², par le biais de créations ou de transferts-extensions de magasins existants. Il s’agit de proposer une offre de services toujours plus riche et de couvrir l’ensemble des sports, permettant ainsi de répondre à la segmentation croissante de la clientèle.  

Les grandes surfaces, flagships de centre-ville ou mégastores de périphérie, ne sont pas les seuls formats à avoir le vent en poupe. Les concepts développés par les distributeurs d’articles de sport sont de plus en plus nombreux et variés, à l’exemple des boutiques de running ou de cycles d’enseignes des groupes GO SPORT (ENDURANCE SHOP) ou DECATHLON (ALLTRICKS), des points de vente accolés SPORT 2000 et MONDOVELO ou des nombreux magasins de streetwear ouverts sous enseigne BLACKSTORE par le groupe INTERSPORT. Ce dernier vient également de lancer sa nouvelle offre « outlet » dans plusieurs zones commerciales de l’Hexagone. Enfin, DECATHLON multiplie depuis quelques années de plus petits formats pour se rapprocher des consommateurs urbains (DECATHLON CITY et CONTACT, corners ouverts au sein de magasins FRANPRIX). 

« La multiplication des formats répond au succès croissant de certains sports ou catégories de produits et à la diversification des profils de consommateurs. La percée du digital est également cruciale, dans le domaine des ventes comme de la communication : elle pousse les enseignes à parfaire leur stratégie omnicanale, en maillant le territoire au plus près dans une optique de proximité avec leurs e-clients, ou en contribuant au développement de grands flagships sublimant l’expérience d’achat. Au-delà de son poids économique grandissant, le sport est ainsi à l’avant-garde des dernières innovations du commerce et de la distribution » conclut Antoine Salmon.